Féminisme, le mot qui fâche (mars 2017)
Cette newsletter est une archive de mars 2017.
Je l’avais signée depuis la rédaction Web de L’Express, où j’étais en charge de la partie Art de vivre.
C’est mon père qui, le premier, m’a donné la définition du mot féminisme, je devais avoir 12 ou 13 ans : « C’est le fait de vouloir que les femmes aient les mêmes droits que les hommes. » Je lui ai demandé s’il était féministe. Il m’a répondu « Bien sûr ». Pour lui, c’était une évidence.
Il m’en a transmis une approche si simple que j’ai longtemps eu du mal à comprendre les femmes qui rechignent à se déclarer pleinement féministes. Comment peuvent-elles ne pas rechercher l’égalité des droits entre hommes et femmes ?
Et puis, à force d’entendre des femmes différentes s’exprimer sur le sujet, j’ai compris que chacune a sa propre perception du féminisme. Chacune le pense comme elle l’entend. D’une façon si personnelle et si unique que parler de féminisme au singulier n’a pas beaucoup de sens. Le dialogue de sourds commence quand une personne souhaite imposer aux autres sa façon de le penser.
On en a encore eu l’exemple il y a quelques jours, avec l’édito du dernier Glamour, chargé de mépris à l’encontre des « Chiennes de garde qui montraient les dents avec rage à chaque insulte sexiste prononcée dans l’espace public » et des « blogueuses, instagrammeuses, en mal de sujets et de followers, féministes autoproclamées et théoriciennes à la petite semaine ».
Et si, plutôt que de nous opposer dans nos conceptions du féminisme, nous concentrions notre énergie à dénoncer le sexisme ? Les débats en la matière sont en général tout aussi animés, mais ils me semblent plus constructifs, car ils permettent d’éveiller les consciences. Le machisme ambiant est si ancré dans notre société que ça n’est qu’à force de pointer les abus que l’on peut espérer changer les mentalités.
Les deux publicités Saint Laurent visibles cette semaine dans les rues de Paris jusqu’à leur interdiction nous fournissent un cas intéressant. Une femme chaussée d’escarpins à roulettes y pose, dans un cas, assise les jambes écartées, dans l’autre, debout la tête posée sur un tabouret. 120 plaintes ont été déposées auprès de l’autorité de régulation professionnelle de la publicité, des internautes ont émis des critiques, jugeant les affiches dégradantes et humiliantes pour les femmes, mais combien de personnes sont passées devant sans rien y voir de choquant ?
A L’Express, nous avons conscience de notre responsabilité. Non seulement les abus sont consignés, mais notre façon de traiter l’information cherche à s’inscrire dans le respect des femmes. Pourtant, même pour nous, la quête se fait à tâtons. Nous avons par le passé mis en ligne des contenus que nous ne jugerions plus pertinents aujourd’hui. Notre regard évolue comme doit évoluer celui des passants dans la rue. Avec et grâce à vous.